Histoire politique du barbelé.

Olivier Razac – le 09/02/10 à Mollat

Le pt de départ d'un travail: un étonnement => le barbelé est un objet archaïque, violent, mais persistant. Ce n'est pas une histoire de ses apparitions, mais d'à quoi il a servi à chaque fois. C'est un pt de vue stratégique: à quoi répond cet objet technique en termes de besoins pour gérer un espace et les populations qui s'y trouvent?

Ce barbelé répond à de nvx besoins stratégiques d'occupation de l'espace. Il a 3 aspects: acquisition de l'espace, défensif, concentrationnaire. C'est un ensemble technologico-politique du barbelé = virtualisation. Objet archaïque, brutal, signe d'un tps dépassé, faisant référence à la souveraineté, a en fait répondu à son époque a un besoin d'affinement d'usage du pouvoir.
Colonisation américaine: besoin d'un outil léger pour faire progresser la frontière. Le barbelé est synonyme d'allégement de la manière d'occuper l'espace.

Dans la 1° GM: guerre mobile, puissance de feu => inefficacité des moyens de fortification. Légèreté, mobilité, plasticité. Le barbelé, sa solidité, c'est sa souplesse: il absorbe la force qui tente de le pénétrer. C'est un détournement du premier usage.

Avec l'espace concentrationnaire, c'est aussi la discrétion: statiquement mais aussi dynamiquement (on peut en supprimer toute trace très rapidement). L'objectif est de construire des camps presque furtifs.

Cela permet de dessiner un processus de virtualisation de délimitation de l'espace comme nvlle manière de gouverner les hommes, dont le barbelé est une étape. Il s'agit de délimiter finement l'espace d'une manière discrète, légère mobile, plastique. C'est une étape dans un processus technologique indissociable d'un processus politique. Mais cette virtualisation n'est pas à comprendre comme un remplacement. Gde vitalité, vivacité, de l'outil barbelé. Il y a une présence, des innovations technologiques: cet outil archaïque du pouvoir est tjrs présent à certaines conditions politiques (choquant) et technologiques (utile).

Le barbelé = virtualisation du mur.

Puis les ondes = virtualisation de l'espace.

Il y a en fait une persistance de ces 3 moments, une articulation: souveraineté + discipline + contrôle. Articulation entre murs massifs, barbelés, vidéosurveillance intelligente.

C'est une nvlle modalité qui consiste à cerner un espace pour en faire un territoire, le structurer hiérarchiquement, délimiter d'une manière insensible et ne plus avoir besoin de délimiter en se contentant d'une localisation des individus à l'intérieur.

On est structurés par 3 lignes: lignes dures (de souveraineté), souples (disciplinaires), de mouvement (que la traçabilité essaye de domestiquer). Le mur a une dimension symbolique de marquage d'un territoire. Il s'adresse à un sujet en rapport avec un souverain qui lui dit: là vous passez un seuil. Ce qui réfère à la loi: vous avez le droit ou pas de passer ce seuil.

Le barbelé s'adresse au corps vivant par ce qu'il a d'animal, de sensible, par la douleur. Le barbelé dit: vous ne pouvez pas passer ce seuil. Il ne s'adresse pas au sujet politique, mais à l'animal. C'est un message très différent, biopolitique. Il s'adresse à l'être vivant, de façon analogue à l'animal et à l'homme: ça fait mal. Il y a une différence technologique et politique.

Le barbelé est d'abord fait pour repousser les troupeaux et protéger les champs, mais il blesse trop les animaux. Donc il faut réduire le danger du barbelé. Alors qu'ils sont plus offensifs pour les questions militaires. Dans l'imaginaire, il y a encore qque chose du mur. Il est chargé symboliquement de la violence politique. Celle-ci est liée à ses usages historiques et à la force de leurs représentations. L'utilisation des barbelés dans des espaces normalisés, urbains, est plus délicate du fait du poids symbolique concentrationnaire. Ce sont des signes du pouvoir qu'il faut plutôt effacer. À quel moment il faut mette du barbelé? Considération stratégique, politique et technologique. Tout dépend de l'espace où il est utilisé: il est davantage accepté en Afrique du Sud ou en Asie. Utilité pragmatique (élément opérationnel) et valeur symbolique.

Ce qui est premier, ce n'est pas tant l'outil technique que le besoin stratégique. L'utilité du barbelé a bougé: il a évolué technologiquement et s'est chargé symboliquement. Le barbelé donne une illusion de liberté: il empêche le corps de passer, mais laisse l'esprit traverser. Barbelé = territoire adaptable, c'est mon territoire mais il peut bouger. Le barbelé ferme l'espace temporairement. Il témoigne d'un moment stratégique dans la lutte pour un territoire donné.

Le barbelé est une étape dans le processus de virtualisation. Ensuite viennent les technologies électroniques. Ca se dématérialise, ça devient intangible: comment fermer l'espace avec qque chose d'intangible? Il ne faut plus une résistance des matériaux, mais une résistance essentiellement psychologique. Le barbelé est physique, mais celui qui veut passer doit intérioriser le risque.

Plus on virtualise, plus on doit connecter la délimitation avec la surveillance parce que la délimitation est fragile. La délimitation ne sert qu'à retarder l'agression, le tps que la surveillance la permette. Le barbelé est né pour répondre à ça.

5 besoins stratégiques auxquels le barbelé répond:

• discret;

• mobile;

• souple;

• plastique;

• léger.

Le bracelet électronique permet une délimitation virtuelle, immatérielle, mobile. L'individu intériorise, il y a un déplacement vers le psychisme. C'est parfaitement discret et entièrement basé sur la réactivité de la surveillance.

Le barbelé, c'est déjà une étape décisive dans la virtualisation de la délimitation de l'espace.

La naissance du barbelé est agricole: il y a des brevets dans les années 1850 sur les clôtures défensives. C'est la pureté de l'objet, sa simplicité, qui en fait le succès. On peut difficilement faire un meilleur ration entre la simplicité de l'objet et son efficacité.

Le barbelé est un outil technologique de gestion de risques. Il s'agit de dépasser l'exclusion, l'enfermement à travers les modèles de traçabilité. À la fin du XIX°: le concept est là, mais pas les moyens de sa réalisation. Le bracelet combine les 3 logiques d'espace: exclusion (sûreté), inclusion (normalisation disciplinaire: famille, travail, etc.), traçabilité (évaluation des risques de déplacement en-dehors de ces moments d'exclusion et d'inclusion). C'est un lépreux, un pestiféré (un malade qu'il faut guérir) et un convalescent (un individu à risques qu'il faut mesurer). Cible d'un pouvoir de souveraineté, disciplinaire et de gestion des risques.

Les technologies euphémisent l'exercice du pouvoir par rapport à son exercice réel.