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Fiches de lecture

Mercredi 7 septembre 2011 3 07 /09 /Sep /2011 08:07

Comment les riches détruisent la planète

Hervé Kempf

 

Introduction

 

illusdruilhe.jpgUn double appel, à ceux qui pensent l’écologie et à ceux qui pensent le social de mêler leur combat contre un système responsable des deux crises : le capitalisme, emmené par une couche dominante ayant pour ressort l’avidité, pour idéal le conservatisme, pour rêve la technologie. Influence : consommation qui répond à un désir d’ostentation et de distinction. Face à la contestation, l’oligarchie affaiblit libertés publiques et esprit de la démocratie. Il faut sauver « les possibilités de la vie humaine sur la planète » (Hans Jonas), la réduction de la consommation matérielle n’étant acceptable que si l’inégalité est combattue : « consommer moins, répartir mieux ».

 

Chapitre 1 : La catastrophe. Et alors ?

 

Pour Lovelock, la Terre se comporte comme un organisme vivant autorégulé : c’est la Théorie Gaïa. Pour lui, c’est la civilisation qui est menacée par les guerres territoriales qui auront lieu.

 

Objectif : limiter la casse

Le changement climatique est dû à l’accroissement de l’effet de serre. Le GIEC envisage une augmentation de la température moyenne entre 1.4 et 5.8°C d’ici à la fin du siècle. Le retour à la situation ante RI sera très lent, il faut déjà parvenir à un ralentissement puis une stabilisation de l’émission des gaz.

 

Si le climat s’emballait…

Les capacités d’absorption de la biosphère sont saturées : végétation et océans, puits de gaz carbonique saturés ;  Groenland et continent antarctique qui fondent et ne réfléchissent plus le soleil ; fonte du permafrost et du pergélisol avec le réchauffement des hautes altitudes

 

Jamais vu depuis les dinosaures

Sixième extinction d’espèces en raison de la dégradation/destruction des habitats : + de terres converties à l’agriculture depuis 1950 qu’aux XVIIIe et XIXe siècles ; perte de 35% des mangroves et de 20% des récifs coralliens ; grosse production humaine d’azote ; 3-6X plus d’eau retenue dans les grands barrages que celle dans les fleuves et rivières. L’artificialisation a lieu aussi bien dans les pays riches que dans les PED. Les scientifiques craignent les effets de seuil, réactions brutales des écosystèmes quand certains déséquilibres auront été atteints.

 

Nous sommes tous des saumons

L’ensemble des océans se dégradent : stocks de poissons surexploités passés de 10% à 24% en 2002, réduction des prises de pêche, pollution au PCB de toutes les eaux par les saumons qui l’accumulent comme des « pompes biologiques » et le transmettent à leur descendance. Montée des troubles de la reproduction chez les hommes (quantité de spermatozoïdes, cancers des testicules, augmentation de la stérilité), baisse possible de la durée moyenne de vie humaine. Responsables : pollution chimique, alimentation déséquilibrée et surabondante, exposition à la pollution atmosphérique, radioactive et électromagnétique, habitudes de vie trop sédentaires (télévision et automobile).

 

La planète ne récupère plus

Expansion de la Chine et de l’Inde : déforestations (importation de matières premières et de bois), émissions de gaz à effet de serre (4 707M de tonnes de gaz pour la Chine, 1 113 pour l’Inde et 5 912 pour les USA). Pour M. Wackernagel, empreinte écologique de moitié de la capacité en 1960, contre 1.2 aujourd’hui.

 

Le changement climatique, un volet de la crise globale

La science isole abstraitement changement climatique, disparation rapide de la biodiversité et pollution générale des écosystèmes pour mieux les étudier, mais ils répondent à une crise globale, il faut en penser les synergies.

 

Vers le choc pétrolier

Crise écolo due à l’activité humaine, donc au système éco, qui est menacé par son approvisionnement énergétique : théorie du pic de Hubbert. Débat autour de la date du pic, non de son arrivée.

 

Les scénarios de la catastrophe

Amorces possibles de la crise : arrêt de la croissance économique américaine (déficits : balance commerciale, budget, endettement interne), fort freinage de la croissance éco chinoise. Peut-être pas de crise, mais lente déréliction sociale et écologique. Risques : pandémies (organismes nuisibles libérés par la destruction des écosystèmes) ; choc climatique et/ou pétrolier responsable de guerres (Lovelock), de mouvements de population (Martin Mckee) ou une forte augmentation du prix de l’énergie (Cochet). Les éoliennes, la relance du nucléaire, la culture des biocarburants, l’investissement socialement responsable sont des micro-mesures, le développement durable est une arme sémantique visant à évacuer le mot « écologie » et de poursuivre le système du profit.

 

La question centrale

Pas de réaction pour deux raisons. La minoration de la situation par 3 facteurs : l’économie vit dans un système clos, ne payant pas le capital naturel qui en est à la base ; les élites dirigeantes sont incultes en écologie ; le mode de vie urbain des classes riches les empêche de sentir ce qui les entoure. L’effondrement de l’URSS a rendu « irréaliste » la pensée de toute alternative, tandis que le socialisme marqué par l’idéologie du progrès a été incapable de prendre en compte l’écologie.

On trouve 3 clans : les écologistes qui ne pensent pas le social, une gauche scotchée à 1936 et 1981 sans écologie et des capitalistes. Les deux premiers pouvant s’unir contre le troisième.

 

Chapitre 2 : Crise écologique, crise sociale

 

Le retour de la pauvreté

En 2004 en France, on passe 3.5M de personnes ayant perçu une allocation de minima sociaux, soit une hausse de 3.4%. 7M de pauvres en France en 2003 selon la définition euro (12.4%). Selon Pierre Concialdi, il y a en France entre 1.3 et 3.6M de travailleurs pauvres. Selon le Bip 40, « la montée des inégalités et de la pauvreté se poursuit depuis vingt ans ». Pour Jacques Rigaudiat, « un quart ou un tiers de la population vit en situation précaire ».

 

La mondialisation de la pauvreté

Selon le PNUD, « un milliard de personnes survit dans la pauvreté absolue avec moins d’un dollar par jour », un autre milliard avec moins de deux dollars. La Chine et l’Inde tirent toutefois les chiffres vers le haut : pauvreté extrême passant ainsi de 28% de la population mondiale en 1990 à 21% aujourd’hui. Mais il y a un fort ralentissement de la progression depuis le milieu des années 1990. Le facteur le + marquant : l’extension de la pauvreté urbaine, les paysans fuyant les campagnes mais ne trouvant en ville que chômage et bidonvilles.

 

Les riches toujours plus riches

En France, selon l’INSEE, « le revenu brut moyen des 20% des ménages les plus aisés reste supérieur de 7.4 fois à celui des 20% les plus modestes. L’écart se réduit à 3.8 après l’intégration des charges fiscales (impôts directs, CSG, CRDS…) supportées par les uns et des différentes allocations et des aides publiques versées aux autres ». Une étude de Piketty et E. Saez montre qu’aux USA, au Canada et au R-U, l’inégalité a retrouvé à partir des 1990’s son niveau d’avant guerre : les 10% les plus riches captent 40% du revenu total. Fin du compromis fordiste : le pouvoir d’achat a décroché des gains de productivité, les situations sociales se figent ; d’où des inégalités entre générations. Le rapport entre les 10% les + riches et les 10% les + pauvres passe de 1 à 4 si on compare les revenus à 1 à 64 si on s’attache au patrimoine.

 

Naissance de l’oligarchie mondiale

La situation est pire dans les PED : au Guatemala en 1997, 20% de la population captait 61% du revenu national. L’écart entre pays riches et pauvres ne diminue plus sur l’espérance de vie, la mortalité infantile ou l’alphabétisation. L’inégalité vient aussi du fait que les pays développés n’ont pas eu de contraintes écologiques.

 

Pour réduire la pauvreté, abaisser les riches

La pauvreté = valeur relative à chaque société. Pour faire contrepoids aux inégalités, renforcement des services collectifs qui sont indépendants des revenus de chacun.

 

La pauvreté oubliée : la misère écologique

Les pauvres ont des conditions environnementales d’existence très dégradées. Ils subissent les premiers l’effet de la crise écologique : zones polluées, conflits fonciers, changement climatique qui affectera surtout les parties les plus  pauvres du monde. L’agriculture est un lien entre crise écologique et pauvreté, pauvreté concernant surtout les paysans : les politiques agricoles ne contrebalancent pas la mise en concurrence des pays du Sud avec les agriculteurs du Nord à décalage absurde, compte tenu des moyens d’obtention d’une forte productivité au Nord : dommages écologiques importants. Crise écologique + crise sociale = même combat.

 

Chapitre 3 : Les puissants de ce monde

 

Entre 200 et 2004 : émoluments des patrons du CAC 40 X2. Avec les stock-options, 5.6M d’euros en moyenne en 2004. Selon Proxinvest, les émoluments des 435 membres des comités de direction des sociétés du CAC 40 ont grimpé de 215% depuis 1998, contre 25% pour le salaire des Français. Et ce ne sont pas les salariés ou partis de gauche qui protestent le plus, mais les actionnaires et investisseurs.

 

La secte mondiale des goinfres goulus

Pourtant, le 1995 à 2005, le revenu moyen des dividendes a crû de 52% en France selon Marianne, contre 7.8% pour le salaire médian. Revenu des 500 les + riches du monde > 416M les + pauvres. Dans les pays pauvres, la caste s’est constituée au sommet de l’Etat avec le soutien des pays occidentaux pour rendre accessibles aux FMN les ressources naturelles ou assurer l’ordre social. L’oligarchie mondiale protège sa fortune dans les paradis fiscaux, moyen de pression contre les Etats riches pour qu’ils abaissent leur fiscalité. Selon l’OFCE, dans la réforme fiscale en vigueur en 2007, 70% des 3.5 milliards de réductions d’impôts profiteront à seulement 20% des contribuables.

 

Verrouiller la porte du château

La classe opulente devient une caste qui se reproduit sui generis par transmission du patrimoine, des privilèges et des réseaux de pouvoir. Ce sont les « 200 familles » : Lagardère, Arnaud, Pinault… Les études supérieures sont rendues très onéreuses pour que cette aristocratie puisse se reproduire.

 

Comme des fous tristes

La consommation ostentatoire et sans autre fin qu’elle-même se développe et fait l’objet d’une concurrence pour asseoir des positions sociales. Les hyper-riches vivent à part, de même que les classes opulentes les imitant. Aux USA se constituent des résidences privées qui s’enclosent progressivement jusqu’à former des villes privées de 50 000 habitants.

 

Une oligarchie aveugle

Défi : l’expansion humaine se heurte aux limites biosphériques de son prodigieux dynamisme. Or la classe dirigeante prédatrice et cupide se fige et n’est animée d’aucun idéal, contrairement à l’aristocratie du Moyen Age qui rêvait de construire un ordre transcendant, ou à la bourgeoisie du XIXe siècle qui avait le sentiment de propager le progrès et les idéaux humanistes, ou aux classes dirigeantes de la Guerre froide qui défendaient les valeurs démocratiques. Le prétendu réalisme des élites actuelles est aveugle à la puissance explosive de l’injustice et à l’empoisonnement de la biosphère.

 

Chapitre 4 : Comment l’oligarchie exacerbe la crise écologique

 

L’œuvre de Thorstein Veblen a été comparée par R. Aron à celles de Tocqueville et de Clausewitz : La Théorie de la classe de loisir. Pour Veblen, l’économie est dominée par un principe : « la tendance à rivaliser – à se comparer à autrui pour le rabaisser », se rapprochant par là de la théorie formulée par Adam Smith dans la Théorie des sentiments moraux : « l’amour de la distinction, si naturel à l’homme […] suscite et entretient le mouvement perpétuel de l’industrie du genre humain ». Pour Veblen, les sociétés humaines ont quitté un état sauvage et paisible pour un état de rapacité brutale, où la lutte est le principe de l’existence : d’où la différenciation continue entre une classe oisive et une classe travailleuse, la possession restant le moyen de différenciation, non pour répondre à un besoin matériel mais pour assurer une « distinction provocante » è consommation ostentatoire et pillage généralisé.

 

Il n’y a pas besoin d’augmenter la production

Veblen, contrairement à l’économie classique, observe que les besoins ne sont pas infinis et qu’au-delà d’un certain seuil c’est le jeu social qui les stimule. Capitalisme et marxisme sont de ce point de vue renvoyés dos à dos. Veblen montre à travers le potlatch que le régime naturel des sociétés n’est pas la gêne, elles peuvent aussi connaître une abondance qui permet le gaspillage.

 

La classe supérieure définit le mode de vie de son époque

Donc, le principe de consommatoire régit la société, chaque couche cherchant à imiter la couche supérieure, d’où un torrent de gaspillages qui procède de cet effet de cascade. La classe de loisir, au sommet, détermine la conduite de l’ensemble de la pyramide.

 

La rivalité insatiable

La satiété n’existant pas dans la compétition somptuaire, l’économie entre en régime de surproduction. Puis, la classe de loisir se coupe de la société, car seule compte l’estime de ses pairs. Quant aux éléments inférieurs, « on n’en veut même plus pour spectateurs ».

 

La lisière invisible de la nouvelle nomenklatura

Au sommet, une caste d’hyper-riches. Puis en dessous, la nomenklatura capitaliste, la classe très opulente l’aide à tenir les leviers du pouvoir politique et économique de la société mondiale. Hyper-riches et nomenklatura constituent l’oligarchie, les individus s’y livrent à une rude compétition interne à la puissance et à l’ostentation. L’ascenseur social est cassé. La classe moyenne victorieuse du compromis fordiste devient le ventre-mou de la société et voit s’ouvrir sous ses pieds une trappe, tandis que les ouvriers et petits employés descendent rejoindre la masse des pauvres par le biais de la précarité.

 

L’oligarchie des Etats-Unis au sommet de la compétition somptuaire

Clarck et Oswald ont établi dans Satisfaction and comparaison income que le niveau des travailleurs anglais est d’autant plus élevé que le salaire de leurs pairs est inférieur au leur. En 2005, Samiel Bowles et Yongjin Park ont fait publier une étude par la Royal Economic Society qui montre, dans une perspective veblenienne, que le tps de travail augmente à proportion de l’inégalité sociale. Donc, pour eux, il faut taxer davantage les groupes qui servent de référence à la consommation pour augmenter le bien-être des moins bien lotis en limitant l’effet d’imitation en cascade et financer des projets sociaux utiles. Remarque : l’imitation est internationale, les oligarchies locales imitant le modèle de celles des pays opulents.

 

La croissance n’est pas la solution

Dans une analyse veblenienne, la classe dirigeante est donc responsable de la crise écologique car elle tire vers le haut la consommation générale, le désir d’inégalité contraignant à la croissance économique pour maintenir la paix de classes. Mais le mécanisme s’est enrayé, le lien entre croissance et emplois alimentant la consommation entretenant le cycle de production étant coupé. En 2001, l’OCDE a avoué dans ses Perspectives de l’environnement : « La dégradation de l’environnement a généralement progressé à un rythme légèrement inférieur à celui de la croissance économique […] Les pressions exercées par la consommation sur l’environnement se sont intensifiées au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, et durant les vingt prochaines années, elles devraient continuer de s’accentuer ». Et cela malgré les progrès technologiques, selon la logique de l’effet rebond : parce que « les effets en volume de l’augmentation totale de la production et de la consommation ont plus que compensé les gains d’efficience obtenus par unité produite ».

 

L’urgence : réduire la consommation des riches

En résumé : la croissance augmente les inégalités, ne réduit la pauvreté qu’à un fort coût environnemental (Chine) et aggrave la situation écologique. Pourtant, elle n’est pas remise en cause. Car elle sert à la classe dirigeante à faire accepter les inégalités extrêmes. La solution est de stopper la croissance matérielle (= augmentation continue des biens produits par prélèvement et dégradation des ressources biosphériques). La croissance n’est pas en soi condamnable : la croissance immatérielle serait acceptable, mais il faut une décroissance matérielle des pays riches, les pays pauvres pouvant croître jusqu’à un certain point. Pour un effet en chaîne de décroissance et changer les standards culturels de la consommation ostentatoire sans heurter les masses, il faut abaisser le niveau de consommation de la classe de loisir.

 

Chapitre 5 : La démocratie en danger

 

L’oligarchie choisit, face aux crises sociale et écologique, d’affaiblir l’esprit et les formes de la démocratie : libre discussion des choix collectifs, respect de la loi et de ses représentants, protection des libertés individuelles. Prévision faite par Tocqueville (cf. citation p.93-94).

 

L’alibi du terrorisme

Dérive antidémocratique amorcée dans les 1990’s avec la fin de l’URSS. Moins de 15 jours après les attentats du 11 sept. 2001, le Patriot Act étend à tous les citoyens américains les procédures jusque là réservées aux espions étrangers (surveillance tél et web, infos diverses stockées par les institutions privées). Le Terrorist finance tracking program le complète en surveillant les transactions bancaires. De même, les infos détenues par les compagnies aériennes sont livrées, l’UE se pliant à se règlement.

 

Fêtons le « travailleur des organes de sécurité »

Les USA ont installé des camps d’internement à l’étranger – Bagram et Guantanamo – échappant à la convention de Genève sur le traitement des prisonniers de guerre, les soustrayant à toute protection juridique. La démocratie américaine a rétabli l’usage de la torture. En G-B, début 2006, Amnesty International juge « accablant » le bilan du gouvernement en matière de droits de l’homme. En France, le Parlement adopte en décembre 2005 sa 8ème loi antiterroriste qui renforce les pouvoirs de la police. La démocratie se considère comme un bien en soi sur la foi de sa seule nomination, ce qui légitime d’employer tous les moyens pour faire la « guerre à la terreur » (Bush), sans s’apercevoir qu’elle crée elle-même ses propres ennemis.

 

Une politique pour les pauvres : la prison

A côté de l’épouvantail du terrorisme, est agité celui de la délinquance et de la sécurité. L’inégalité sociale, faute de prise en charge politique et de conscience collective, accroît la frustration et le besoin désespéré de s’en sortir, d’où la pression de la délinquance dans le Nord et de la migration du Sud vers le Nord. Aux USA, le nbre de prisonniers est passé de 500 000 en 1980 à 2.2M en 2005. Cela concerne 11.9% des Noirs âgés de 25-29 ans, 3.9% des Hispaniques et 1.7% des Blancs. En France, plusieurs lois : sur la « sécurité quotidienne » du 15 novembre 2001, sur la « sécurité intérieure » du 18 mars 2003, Perben 2 du 9 mars 2004, sur la « prévention de la délinquance » de juin 2006.

 

Criminaliser la contestation politique

La loi est violée par l’Etat : dans le cas du nucléaire (ex : refus d’organiser des référendums départementaux en Haute-Marne et Meuse sur les déchets radioactifs malgré les 50 000 signatures) et des OGM (ex : dissimulation de cultures transgéniques malgré la directive européenne qui impose un registre public).

 

Vers la surveillance intégrale

La police anglaise en 2006 se dote d’une base de données permettant d’enregistrer les mouvements de véhicules, le ministère de l’Intérieur travaille à un logiciel de reconnaissance faciale à coupler avec les caméras qui surveillent les rues et lieux publics. Des étiquettes électroniques RFID (radio frequency identification) se développent : les transpondeurs sont utilisés dans les passes « Navigo » de la RATP, ils pourraient l’être avec les passeports, le sont dans la discothèque Baja Beach Club à Rotterdam. Les Etats développent l’identification biométrique (en France, la carte d’identité INES) et le bracelet électronique localisable par GPS. Plus simple reste le téléphone portable.

 

La trahison des médias

La presse américaine ne critique pas l’administration Bush depuis le 11 septembre : Patriot Act, invasion de l’Irak. Une étude en avril 2003 a montré que 3% des émissions des journaux télévisés américains étaient opposés à la guerre, contre 27% des citoyens interrogés. Les journaux en Europe ont stigmatisé les opposants à la Constitution européenne avant d’être désavoués par les peuples. Cet affaissement moral des médias vient de leurs directeurs et hiérarchies, nommés par leurs propriétaires, qui répercutent le mode de pensée de l’oligarchie dont ils font partie.

 

Le capitalisme n’a plus besoin de démocratie

Emerge un pouvoir autoritaire aux USA avec les « néoconservateurs » alors qu’ils ne s’opposent plus dialectiquement au totalitarisme soviétique et que la Chine montre l’exemple d’un hybride entre capitalisme (dynamisme éco) et parti unique (absence de libertés publiques). La civilisation occidentale de gaspillage ostentatoire a besoin de pétrole et d’énergie, ce qui implique de limiter la contestation politique au Moyen-Orient par une politique appelée « lutte contre le terrorisme ».

 

Le désir de catastrophe

La tentation de la catastrophe rôde dans le Wall Street Journal où Gunnar Heinsohn écrit : « Plus vite l’Europe s’effondrera, mieux cela sera pour les Etats-Unis, dont les chances de battre le terrorisme global seront améliorées économiquement et militairement par l’arrivée des Européens les plus brillants et les plus courageux, sous l’influx de la panique. » La violence est au cœur du processus qui fonde la société de consommation selon J. Baudrillard : « L’usage des objets ne mène qu’à leur déperdition lente. La valeur créée est beaucoup plus intense dans leur déperdition violente. »

 

« L’époque de renoncements âpres qui nous attend »

H. Jonas : « Il faut prendre des mesures que l’intérêt individuel ne s’impose pas spontanément et qui peuvent difficilement faire l’objet d’une décision dans le processus démocratique » : réduire la consommation matérielle, accepter « l’autodétermination de l’humanité », et cela à l’aide d’une décroissance équitable. L’écologie (risques : pandémies, accidents nucléaires, pointes de pollution, migrations climatiques) au contraire pourrait être le prétexte à la fascisation néolibérale du pouvoir. La démocratie (politique) s’oppose au libéralisme (économie) : contre la somme des conduites individuelles autorégulatrices, les choix décidés collectivement.

 

Chapitre 6 : L’urgence et l’optimisme

 

Il ya des obstacles, d’abord les idées reçues : la croissance unique moyen de résoudre les pb sociaux, le progrès technologique comme moyen de résoudre les pb écologiques, le chômage une fatalité alors que c’est une construction sociale du capitalisme, on associe Europe et USA dans un destin commun alors que l’Europe porte encore un idéal d’universalité et d’union des Etats et des cultures.

 

L’oligarchie peut se diviser

 

Ensuite, les forces : la puissance même du système, les mass médias qui dépendent de la publicité (solution possible : internet), la gauche empêtrée dans la social-démocratie (renaissance possible en se mêlant d’écologie radicale). Mais une phase nouvelle semble se mettre en branle : Seattle en 1999, la contestation des OGM, le protocole de Kyoto, le refus des peuples européens de participer à l’invasion d’Irak, le refus de la Constitution européenne en 2005 è renaît l’envie de refaire le monde.

Par Timothée Duverger - Publié dans : Fiches de lecture
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Samedi 23 juillet 2011 6 23 /07 /Juil /2011 19:21

 

Frédéric Lordon

Capitalisme, désir et servitude : Marx et Spinoza

 

 

Faire faire

 

couv_2317.jpg Le désir de faire quelque chose

Conatus = effort par lequel « chaque chose, autant qu'il est en elle, s'efforce de persévérer dans son être », force d'exister, énergie fondamentale qui habite les corps et les met en mouvement, principe de la mobilisation des corps : exister = agir, déployer cette énergie ; être = désirer, donc s'activer.

Conatus = impulsion qui fait passer du repos au mouvement.

 

Le désir de faire faire : patronat et enrôlement

Patronat = capturat : captation de l'effort (conatus) des subordonnés enrôlés au service d'un désir-maître.

 

Intérêt, désir, mise en mouvement

Méthode du patronat capitaliste : l'argent.

Tout patronat fonctionne à l'intérêt, c-à-d au désir.

L'intérêt = ne pas le réduire au calcul utilitariste, c'est une prise de satisfaction, un désir, qui peut être très varié.

 

La vie nue et l'argent

Argent = objet de désir cardinal du fait de l'hétéronomie matérielle qui empêche l'autoreproduction de la force de travail et impose la division du travail marchande.

Argent = métadésir, point de passage obligé de tous les autres désirs (marchands).

 

La monnaie rapport, l'argent désir-maître

Monnaie = non valeur en soi, mais opérateur de la valeur : effet d'une croyance collective en l'efficacité de son pouvoir libératoire. Elle est surtout relationnelle, l'argent est son expression subjective.

 

La servitude volontaire n'existe pas

Dépendance à l'objet de désir « argent » = roc de l'enrôlement salarial.

Principe réel de l'asservissement : la nécessité et l'intensité d'un désir.

Conatus = pur élan sans direction définie, « désir sans objet » (Laurent Bove). Les objets du désir sont hétéronomes, ils sont constitués à partir des affections.

Pas de volonté autonome, de contrôle souverain ou de libre auto-détermination, mais une hétéronomie du désir et des affects : gré des rencontres passées et présentes, dispositions à remémorer, lier et imiter formées au long de trajectoires biographiques (sociales).

 

L'asymétrie de l'initiative monétaire

Rapport de forces favorable au capital, qui capte indifféremment de la force de travail.

Seuls peuvent être capitalistes ceux qui ont de quoi « se lancer », c-à-d qui ont un apport initial (d'argent/d'énergie) qui fait passer le seuil critique ; les autres demeurent rivés à l'horizon du désir basal.

 

Domination à tous les étages

A chaque niveau de la chaîne de dépendance se tiennent des agents qui vivent le rapport salarial sur le mode ambivalent subordonné-subordonnant.

Régulation des comportements individuels proportionnelle à l'allongement/intensification des chaînes de dépendances.

Si toutes les décisions sont stratégiques, certaines sont certes le fait de décisions calculatrices mais d'autres sont incorporées (habitus).

 

Pressions ambiantes et remontée de la violence (contrainte actionnariale et concurrence)

Crainte et espoir = arrière-plan quasi permanent du désir.

Coloration passionnelle ambivalence : l'affecte joyeux de l'espoir (obtenir) est accompagné de l'affect triste de la crainte (manquer).

Mise sous tension de la chaîne de dépendance salariale par le choc actionnarial, qui exige d'en-haut de dégager une rentabilité des capitaux propres => désir directeur de la rentabilité financière réexprimé en objectifs/désirs intermédiaires pour chacun des échelons. Le degré d'évitement des pertes en ligne et de conservation du pouvoir de mobilisation dépend à la fois des agencements internes de l'organisation et de la surdétermination par les conditions extérieures : management de surveillance individuelle, de mise en concurrence interne et précarisation des individus par la menace du déclassement voir de l'éviction, concurrence externe.

Rapport de sous-traitance : mise sous tension concurrentielle des organisations qui luttent entre elles pour leur survie.

Violence qui se propage le long des chaînes de dépendance aussi bien intra qu'inter-entreprises par la contrainte actionnariale, la concurrence, les déréglementations du marché du travail, les transformations managériales de l'organisation.

 

Mobilisation joyeuse et aliénation marchande

Obtention du salaire = moment joyeux du rapport salarial : satisfaction du désir basal, celui de la reproduction matérielle par l'accès à l'argent dans une économie monétaire à travail divisé.

Enrichissement du complexe passionnel du rapport salarial par le capitalisme via le développement de la consommation : le consommateur, seul agent de bien-être, justifie l’allongement de la durée du travail, les déréglementations concurrentielles, etc., au détriment du producteur.

L'aliénation joyeuse à la marchandise est entretenue par le système du désir marchand : markéting, médias, publicité, appareil de diffusion des normes de consommation.

Comment inscrire la bifurcation décroissante dans une stratégie désirante ?

 

L'enrôlement comme alignement

La mobilisation est affaire de colinéarité : aligner le désir des enrôlés sur le désir-maître, c-à-d que l'intensité est propre au conatus mais sa direction lui est donnée.

Dans les petites entreprises, c'est très visible : le patron fait de son employé une extension de soi à qui il prête son propre désir.

Désir-maître = directeur, car il oriente les vecteurs-conatus dans certaines directions.

Projet d'enrôlement total lié à deux évolutions des structures du capitalisme :

  • l'émergence du pouvoir actionnarial et la déréglementation concurrentielle des marchés de biens et services : synergie des deux qui basculent le rapport de force capital-travail au détriment du second ;

  • transformation des tâches productives où entrent les exigences de l'économie de services (relationnelles et dispositionnelles) et les formes de « créativité » requises par des rythmes d'innovation soutenus.

L'entreprise néolibérale remonte d'un cran : des actions aux dispositions génératrices des actions, pour ouvrir à l'infini le champ des actions escomptables et gagner une amplitude de flexibilité.

 

Intensification de la crainte

Délire de l'illimité dans la captation quantitative (part du PIB, rentabilité financière) et qualitative (mobilisation des salariés).

Radicalisation du gouvernement patronal par la crainte (structures + conjoncture du chômage de masse qu'elles engendrent) => colinéarisation parfaite envisagée.

 

La liquidité, le fantasme du désir-maître capitaliste

Paradigme de la tyrannie du rapport de force nu : le désir-maître particulier du capital financier, sous la forme de la liquidité.

Liquidité = à la fois accès à l'argent, équivalent général, métadésir, et promesse de réversibilité parfaite offerte à l'investisseur financier, engagement minimal.

 

Tyrannie et terreur

L'égocentrisme du conatus, quand il jouit d'une asymétrie de puissance favorable, va nécessairement à l'abus => adoption patronale du fantasme de la liquidité, de l'ajustement instantané parfait à ses réquisits de désir-maître.

 

Joyeux automobiles (Salariés : les faire marcher)

 

Des affects joyeux intrinsèques

Capitalisme = régime de désir, épithumè (les structures objectives se prolongent nécessairement en structures subjectives).

Premier enrichissement en affects joyeux du capitalisme : configuration fordienne de l'épithumè capitaliste = ajout aux affects tristes de l'aiguillon de la faim les affects joyeux de l'accès élargi à la marchandise consommable ; au désir d'éviter un mal s'ajoute le désir de poursuivre des biens.

L'activité elle-même est reconstruite objectivement et imaginairement comme source de joie immédiate : désir de l'engagement salarial = désir médiat des biens et désir intrinsèque de l'activité => désirs de l' « épanouissement » et de la « réalisation de soi » dans et par le travail.

 

Les apories du consentement

Pouvoir = art de faire faire, « action sur des actions » => le néolibéralisme crée des oranges mécaniques, des auto-mobiles salariaux qui s'activent d'eux-mêmes au service de l'organisation capitaliste.

Si consentir est l'expression authentique d'une intériorité librement autodéterminée, alors le consentement n'existe pas. Car pour Spinoza : « Les hommes se trompent quand ils se croient libres ; car cette opinion consiste en cela seul qu'il sont conscients de leurs actions et ignorants des causes qui les déterminent ». Quoique automobiles nous sommes irrémédiablement hétérodéterminés. De mêmes l'aliénation s'évanouit-elle du fait de l'hétérodétermination permanente.

Ne restent que les mouvements du désir, tous égaux sous le rapport de l'exodétermination.

Pour Spinoza : « Cet effort pour faire que les autres approuvent notre amour ou notre haine est en réalité l'Ambition ; nous voyons donc ainsi que chacun, par nature, désire que les autres vivent selon sa propre constitution. »

 

L'obéissance joyeuse

Projet salarial néolibéral = projet d'enchantement et de réjouissement.

Pouvoir = conduite des conduites (Foucault), art de faire faire => effet des affects : certain art d'affecter.

Gouverner = orienter les conatus-vecteurs de désir dans certaines directions.

Pouvoir = ensemble des pratiques de colinéarisation.

Contrainte et consentement sont donc les noms pris par les affects de tristesse ou de joie dans des situations institutionnelles de pouvoir et de normalisation. Ce sont des formes vécues de la détermination.

 

Le ré-enchantement spontané

C'est le désir qui crée la valeur pour Spinoza : « Nous ne nous efforçons pas vers quelque objet, nous ne le voulons, ne le poursuivons, ni ne le désirons parce qu'il est un bien, mais au contraire nous ne jugeons qu'un objet est un bien que parce que nous le voulons, le poursuivons et le désirons ».

Ma complexion axiologique, socialement et biographiquement constituée, est très fortement prédéterminante.

La vis existendi du conatus est spontanément effort vers la joie. Spinoza note ainsi que « l'esprit autant qu'il le peut s'efforce d'imaginer ce qui accroît ou ce qui seconde sa puissance d'agir ». Donc soit le sujet se fait l'aveu de sa propre déréliction, et s'y résigne ou s'y rebelle, soit il repousse le spectre de l'effondrement triste par les armes du réenchantement, c-à-d de la re-création d'un désir propre, aligné mais distinct du désir-maître.

 

L'amour du maître

Toutes les formes d'attachement, individuel ou social, par le désir de reconnaissance et toutes les variantes de la quête d'amour (= joie accompagnée de l'idée d'une cause extérieure).

Mécanisme de la demande amoureuse inscrit au cœur même du conatus, comme force de désir et effort vers la satisfaction joyeuse, et surtout dans l'identification de notre capacité à réjouir autrui pour s'en faire aimer et en obtenir de la joie.

Recherche de la joie d'être aimé par le supérieur, c-à-d par l'individu et l'institution.

La seule aliénation est celle de la servitude passionnelle, mais celle-ci est universelle.

 

Les images vocationnelles

Toute la société est à l'oeuvre dans la moindre imitation de désir :

  • expérience imitative directe de personnes réelles ;

  • ou « mythocratique » (Y. Citton) de personnes fictives.

Procès continué des innombrables expositions à des influences sociales parfois infinitésimales, parfois brutalement décisives (révélation) tout au long de l'existence.

 

Le totalitarisme de la possession des âmes

Délire de l'illimité = nouvelle forme politique totalitaire : visée de subordination totale, d'investissement total des salariés (« s'investir totalement » et être totalement investi) => « fabrique des sujets néolibéraux » (Dardot et Laval) par une rééducation comportementale et affective.

 

Girl friend experience (après le don des larmes)

Utopie néolibérale de refaçonnage intégral des individus : l'entreprise de service non seulement enjoint aux salariés de manifester les émotions requises (empathie, attention, sollicitude, sourire) mais vise à ce que celles-ci soient « authentiquement » éprouvées.

 

L'insondable mystère du désir enrôlé

Pas simplement une économie capitaliste, mais une société capitaliste.

Transformation du régime de mobilisation : les anciennes sélections assises sur la formation et l'expérience d'emplois à définition précise sont remplacées par des formes d'emplois définis par objectifs (« projets ») dont les salariés doivent inventer les modes opératoires de façon autonome.

 

Il n'y a pas d'intériorité (ni d'intériorisation)

Chez Spinoza, l'âme et le corps sont une seule et même chose considérée sous les attributs différents de la Pensée et de l’Étendue.

 

Les risques du constructivisme du désir

Il y a des constructivismes du désir, ainsi de l’État pour Spinoza qui devrait chercher à « conduire les hommes de façon telle qu'ils aient le sentiment, non pas d'être conduits, mais de vivre selon leur complexion et leur libre décret ».

La société entière travaille, par autoaffection, à former les désirs et les affects de ses membres.

Les forces du marché capitaliste apparaissent sous l'espèce d'un « effet de système », sans centre, propice aux stratégies rhétoriques de « naturalisation », donc de dépolitisation.

 

Amor fati capitalistis

La pratique du coaching transforme une pression exogène en motivation endogène, conciliant les objectifs formels de « développement personnel » et les objectifs réels d'étroite conformation à des cahiers des charges comportementaux décalqués des contraintes spécifiques de productivité et de rentabilité de l'entreprise.

L'épithumogénie néolibérale est une entreprise de production d'amor fati, mais de son fatum propre.

 

Le voile des affects joyeux, le fond des affects tristes

Hors les cas polaires des « âmes ardentes » et des « âmes rétives », les « sentiments mêlés », c-à-d le conflit des affects antagonistes est l'ordinaire de la vie passionnelle, et « l'âme flotte » au gré de résultantes affectives constamment refaites.

 

Domination, émancipation

 

La domination repensée à l'usage du « consentement »

L'assujettissement est enfermement dans un domaine restreint de jouissance avec le couplage division du travail/subordination/conditionnement.

Élargissement du domaine des intérêts à l'enrôlement : sentiments d'appartenance, reconnaissance et amour.

La violence symbolique (P.Bourdieu) est une domination douce par les affects joyeux.

 

Division du désir et imaginaire de l'impuissance

Double imaginaire de la violence symbolique :

  • imaginaire du comblement, pour faire paraître bien suffisantes les petites joies auxquelles sont assignés les dominés ;

  • imaginaire de l'impuissance pour les convaincre de renoncer aux grandes auxquelles ils pourraient aspirer.


L'exploitation passionnelle

Il ne peut y avoir de valeur objective, substantielle, pour Spinoza, du fait de l'immanence intégrale.

Valeurs = produits de composition de jeux de puissances investissantes, par là positions et affirmations de valeur.

La forme « généralité » et l'impératif de justification réclament d'adosser les revendications à des principes.

C'est la capture qui est le déclic de toutes les luttes : non la dépossession en elle-même, mais son appropriation privative par le capitaliste.

Exploitation : non théorie économique de la valeur, mais théorie politique de la capture.

Il y a eu passage d'une économie de la plus-value à une politique de la capture : puissance d'agir = le désir-maître capte la puissance d'agir des enrôlés. C'est une dépossession d’œuvre, non seulement de plus-value mais aussi d'autorat (bénéfice symbolique capté avec le secours des mécanismes sociaux de l'incarnation institutionnelle).

Avant l'argent, le patron capitaliste capte l'effort, c-à-d la puissance d'agir : le travail épithumogénique réagence (partiellement) la vie passionnelle pour en favoriser l'exploitation et la faire jouer dans un sens approprié => faire se mouvoir les salariés.

 

Communisme ou totalitarisme (le totalitarisme, stade ultime du capitalisme?)

Nombre de travaux récents de sociologie du travail font de l'artiste l'archétype du nouveau salarié qui tire sa productivité propre de l'alliance entre sa compétence spécifique et la coïncidence à son propre désir.

Le capitalisme se met en danger lui-même : liberté créative, liberté collaborative et rétivité contre direction hiérarchique => organisation collective du travail sur une base délibérative-démocratique – communisme réalisé.

Alternative entre communisme et totalitarisme : le salariat-artiste d'un côté, la revendication d'une emprise totale du capital sur les désirs et les affects de ses sujets de l'autre.

 

Alors le (ré)communisme !

Communauté d'action = communauté politique (composition de puissance d'agir).

Communisme = l'égalité doit prévaloir principiellement, non absolument car les individus ne sont pas égaux en puissance dans la réalisation des choses. Comment le reformuler après l'approfondissement de la division du travail entre conception et exécution ?

La démocratie radicale de la récommune, res communa (chose simplement commune) : pleins associés d'un destin réalisateur commun => au-delà de l'objet, maîtrise des conditions de la poursuite collective de l'objet.

Mais si la récommune affranchit ses membres de la monarchie du désir-maître, elle ne les libère pas du travail comme forme de l'activité toujours absorbée dans les finalités de la reproduction matérielle, et surtout dans celles de la valorisation du capital.

Moishe Postone retrouve la visée d'émancipation du travail chez Marx, oubliée par ses commentateurs : la séparation entre le travail et l'activité.

 

Devenir perpendiculaire

Sédition = devenir orthogonale, non pas la tangente mais la perpendiculaire : désalignement parfait, prélude peut-être à un réalignement.

Insoumis = perpendiculaires qui se détournent du détournement de puissance d'agir de la colinéarisation.

Devenir orthogonal c'est résister au hijacking par l'invention et l'affirmation de nouveaux objets de désirs, de nouvelles directions dans lesquelles s'efforcer.

 

La défixation (critique de la (dés-)aliénation)

Pour Spinoza il n'y a pas de séparation entre « l'en-puissance » et « l'en-acte » : il n'est pas de puissance qui ne soit immédiatement et intégralement en acte.

Puissance d'agir = pouvoir d'affecter et d'être affecté.

 

L'histoire comme mécontentement (brouillage et reconfigurations du paysage de classe)

Mécontentement = force historique affective capable de faire bifurquer : multitude des mécontents.

Lutte des classes affective(s).

Le capitalisme répand le mécontentement et nourrit « l'affect commun par lequel une multitude pourrait venir à s'assembler ».

 

Communisme... désir et servitude !

Pour Marx, c'est la division du travail qui sécrète endogènement du pouvoir car elle réserve à certains les tâches de la coordination ou de la synthèse-totalisation d'informations dont les autres producteurs n'ont qu'une vue parcellaire : le pouvoir naît de ces asymétries fonctionnelles et informationnelles.

La division du travail d'un côté rappelle aux hommes qu'il faut s'associer, mais ils y entrent inégalement armés dans les compositions de puissance et inégalement désirants.

Conatus = force désirante ; profits de joie = telos de l'action, ou sa sanction.

Une sortie du capitalisme et de son économie de la joie monétaire ne libère nullement des enjeux de la capture, intégralement reconduits par l'économie non monétaire de la reconnaissance.

Pour Spinoza il faut prendre les hommes « tels qu'ils sont et non tels qu' [on] voudrait qu'ils fussent ». Aussi le communisme doit-il compter avec les désirs et les passions : l'exploitation passionnelle prend fin quand les hommes savent diriger leurs désirs communs vers des objets qui ne sont plus matière à captures unilatérales, c-à-d quand ils comprennent que le vrai bien est celui dont il faut que les autres le possèdent en même temps que soi.

 

« Une vie humaine »

Il n'est pas de potestas qui n'émane de la potentia (multitudinis) – mais sous la forme du détournement et au profit du plus puissant des désirs-maîtres, le désir du souverain. Or de tous les régimes seule la démocratie organise les retrouvailles de la multitude et de sa propre puissance.

Il faut libérer les individus de la tutelle, triste ou joyeuse, des désirs-maîtres : en finir avec les asymétries de la capture mais aussi rouvrir le spectre des possibilités offertes à leurs effectuations de puissance => certaines exodéterminations rendent les individus à de plus grandes latitudes de désirer et de jouir.

Conclusion de F. Lordon : « Si l'idée de progrès a un sens, il ne peut être que l'enrichissement de la vie en affects joyeux, et puis parmi eux, en ceux qui élargissent le champ des possibilités offertes à nos effectuations de puissance et les conduisent à s'orienter vers « le vrai bien » : « j'entends par là une vie humaine ».

Par Timothée Duverger - Publié dans : Fiches de lecture
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Samedi 11 juin 2011 6 11 /06 /Juin /2011 17:20

Le capitalisme cognitif : la nouvelle grande transformation

Yan Moulier-Boutang

 

Introduction

 

A. Pourquoi les idées politiques sont-elles devenues si rares ?

 

internet-marketing1Post-histoire de Fukuyama où il ne se passe rien d’autre que le « business as usual », pimentée d’un supplément d’âme culturel traité à l’échelle industrielle… mais retour de l’histoire avec l’incertitude absolue.

  • Asseoir la pensée politique sur l’adage : optimisme d’une nouvelle raison et prudente réserve sur la vieille lune de la volonté bégayante (contre « pessimisme de la raison, optimisme de la volonté », de Gramsci).


B. Pourquoi changer de références théoriques ?

 

Ne pas s’obstiner à user des concepts de valeur du temps de travail, d’utilité ou de rareté des ressources pour mesurer une richesse qui dépend du temps de vie et de la surabondance des connaissances.

 

C. De Lénine en Angleterre à Marx en Californie

 

C’est dans la Silicon Valley que s’est forgée la nouvelle économie-monde, le nouveau capitalisme historique et contemporain.

Le socialisme n’est pas en retard d’une guerre perdue, mais d’un capitalisme et d’une économie politique.

Mondialisation actuelle = émergence d’un 3èmetype de capitalisme : le capitalisme cognitif.

 

I. Les nouvelles frontières de l’économie politique

 

Défi de l’économie politique (= ensemble de doctrines, de principes, de préceptes et de modèles qui entendent rendre compte de l’activité économique).

A partir de 1975, ralentissement de la croissance économique des pays développés => mondialisation qui conduit à une extraversion des économies « nationales » qui oscille entre 10 et 20% du PIB (participations croisées, interdépendances qui touchent les firmes transnationales, le système bancaire et les investisseurs institutionnels ».

 

A. La mondialisation néolibérale, gangue de l’émergence du capitalisme cognitif

 

Caractéristiques de la « financiarisation néolibérale » :

  • Dérégulation des économies ;

  • Régime de tx de change flexible ;

  • Libre-échange comme « modalité ou régime par défaut » du commerce international ;

  • Contre-révolution antikeynésienne de l’école de Chicago mise en application par les gouvernements Thatcher et Reagan => donc le monétarisme, la priorité à la lutte contre l’inflation.

Déplacement de terrain du capitalisme via la financiarisation : fragmentation de l’unité du lieu et des statuts, dématérialisation du travail (disparition des contremaîtres, contours de l’entreprise devenus incertains et éphémères).


Ancienne version du capitalisme (1945-1975) :

  • Taylorisme pour l’organisation du travail ;

  • Fordisme pour le niveau de salaire des ouvriers ;

  • Compromis keynésien : action vigoureuse contracyclique des dépenses publiques et maintien des augmentations de salaires dans les marges des gains de productivité ;

  • Montée des prélèvements obligatoires et socialisation de l’entretien et de la reproduction de la main-d’œuvre sous forme d’un système cohérent de protection sociale.

Défaut du modèle : prospérité de l’Ouest et du Nord, décolonisation des pays du Sud remplacée par la dépendance économique, très vite doublée d’un enchaînement à la dette extérieure + décrochage des pays du bloc de l’Est.

 

B. La maîtrise des milieux complexes et de la biosphère

 

Réalités de l’action économique :

  • Prélèvement des ressources estimées illimitées (donc non rares) alors qu’’elles sont non renouvelables… ;

  • Alors qu’elle prône l’équilibre des biens à travers le mécanisme du marché, elle prélève sans compter des éléments, insouciante des déséquilibres ainsi introduits dans des systèmes complexes et en particulier des biosystèmes qui n’entrent pas dans le paradigme « mécanicien » de l’industrie.

 

C. La revanche des externalités

 

Répétition à l’échelle du système de la biosphère qu’il faut entretenir et cultiver et non plus prélever de façon illimitée de la grande révolution faisant passer l’homme du Paléolithique (cueillette et chasse) au Néolithique (culture des plantes et domestication des animaux).

Externalités = prise en compte par la théorie économique du phénomène d’interactions multiples hors marché. (jusque-là exclu par l’économie néoclassique et pourtant à la base des systèmes complexes).

 

Externalités = pour un calcul complet de la richesse nette produite, retrancher certaines externalités (coûts sociaux ou écologiques de la croissance) et en ajouter d’autres (avantages dont bénéficient gratuitement les entreprises du fait du niveau de l’investissement public, ou parti favorable que tire la collectivité du fait de la qualité de la population).

  • Intervention de l’Etat pour révéler et intérioriser dans la sphère économique tout effet externe positif ou négatif chaque fois que la compensation privée sera insuffisante.

 

Crise urbaine = épuisement des externalités positives et montée des externalités négatives (chômage, isolement, insécurité). Ce n’est pas l’Etat de police qui est absent de la banlieue en proie à la crise urbaine, mais l’Etat de ville, producteur ou reproducteur d’externalités positives et réparateur ou compensateur d’externalités négatives.

 

3 pb liés à la dimension totalitaire du marché qui fait payer les externalités :

  • Les biens publics (comme la lumière du phare indispensable aux navires) définis par un usage collectif ne peuvent être financés que par l’impôt ;

  • La complexification croissante des systèmes dans lesquels interviennent l’action humaine et les arbitrages économiques ;

  • La montée de la numérisation des données, la puissance de mémorisation et de calcul et, last but not least, la focalisation croissante de la valorisation économique sur les connaissances (et pas simplement sur l’information ou des données codifiées)… Or la science et la connaissance dans leurs mécanismes de production et dans leurs effets positifs sont des biens quasi-publics.

 

D. Le travail immatériel

 

Pour Marx, valeur de tout bien/service mesurée à l’étalon du temps de travail social moyen nécessaire à sa production => travail abstrait = affaire de valeur d’échange.

 

Aujourd’hui, l’essentiel n’est plus la dépense de force humaine du travail mais la force-invention (Lazzarato), le savoir vivant non réductivle à des machines ainsi que l’opinion partagée en commun par le plus grand nombre d’êtres humains.

Déplacement du centre de gravité de l’accumulation capitaliste : délocalisation matérielle de la production = pb pour les travailleurs, y compris intellectuels, mais pas pour les entreprises car elle représente un élément de plus en plus subalterne de la production de la valeur ajoutée.

 

C’est une actualisation de la catégorie de travail abstrait de Marx : la ressource dont le capitalisme cherche à se rendre maître aujourd’hui est l’intelligence collective, la créativité diffusée à l’ensemble de la population.

 

E. L’intelligence collective ou l’intangible par excellence

 

Monde où la reproduction des biens complexes (biosphère, noosphère, c-à-d la diversité culturelle, l’économie de l’esprit) et la production de connaissances nouvelles et d’innovations, comme du vivant, requièrent une réorientation de l’investissement vers le capital intellectuel (éducation, formation) et beaucoup de travail qualifié mis en œuvre collectivement à travers les NTIC.


Le capitalisme doit s’adapter à son environnement pour survivre :

  • Mutation écologiste ;

  • Mutation du bipède humaine : celui-ci ne se présente plus seulement avec son cerveau inchangé d’ « homo sapiens sapiens », avec une main outillée (A Leroi-Gourhan), il est élevé en société avec un cerveau outillé et prolongé par les ordinateurs en réseau.

  • Démultiplication de l’intelligence collective qui touche aux frontières de la modification du vivant et de sa production et à une réinterprétation de sa situation dans la biosphère et dans l’univers.

Le peuple ouvrier et paysan est redevenu demos, nombre pur, et une poussée de démocratisation a fait éclater la dimension élitiste du savoir : accès partout au réseau, aux ordinateurs, téléphones portables et à une mobilité mondiale qui suscite encore des résistances.

 

Capitalisme dit « cognitif » car il fait face à la force cognitive collective, au travail vivant, et non plus à du muscle consommé dans les machines marchant à la dissipation de l’énergie « carbo-fissile ».

 

II. Ce que n’est pas le capitalisme cognitif

 

A. Du vieux vin dans de nouvelles bouteilles

 

Economie fondée sur la connaissance, c-à-d sur les départements de R&D, d’après le rapport de l’OCDE coordonné par D. Foray et B. Lundvall en 1996.

Deux mauvaises lectures :

  • La transformation en cours n’est pas limitée à un secteur dynamique de l’économie ;

  • L’impératif de croissance de l’économie demeure subordonné à une logique d’accumulation de profit et de capture de valeur.

 

Pour l’Unesco, société dominée par le paradigme de la communication et de la complexité.

Limites de la thèse de la société de l’information :

  • Elle oublie la nature capitaliste de la société ;

  • Elle confond information et connaissance, or la seconde est irréductible à la première : le capitalisme cognitif s’intéresse à la valorisation de l’intelligence et de l’innovation, pas à celle de l’information, déjà largement opérée sous le capitalisme industriel de masse.

 

Pour M. Beaud, il y a une « nouvelle alliance du capitalisme et de la science », l’élargissement de la marchandisation de sphères jusque-là épargnées est due à la mutation technique. Les limites de la théorie :

  • Son déterminisme : elle réduit la connaissance à un accompagnement automatique de la technique dans lequel les usages sociaux de celle-ci sont secondaires.

 

La théorie de la croissance endogène (Paul Romer) : la technique joue un rôle non pas comme du capital (des machines) mais comme le facilitateur de la formation et de la production du capital humain ou intellectuel du travail.

  • Le capitalisme cognitif repose sur l’appropriation des connaissances et sur les usages des NTIC et non pas simplement sur un stock de capital fixe.

 

B. La « nouvelle économie », vin nouveau ou nouvelle bouteille ?

 

Si la dette américaine n’a pas d’effet destabilisant, c’est que ses créanciers jugent qu’existe une contrepartie réelle, qu’il existe une matière invisible qui rééquilibre ce déficit abyssal : l’avance américaine dans la direction du capitalisme cognitif.

 

La formation d’une opinion commune sur une grande variété de sujets, dont le système politique de la démocratie, se trouve à la base du capitalisme cognitif parce qu’il est à la base des modèles économiques du gratuit au sein de l’économie de marché.

 

Les théories des systèmes nationaux d’innovation ou la théorie plus unifiée de l’évolutionnisme se complètent : l’accent est mis sur l’appropriation humaine des connaissances instrumentée par la technique, ainsi que sur l’organisation comme résultat d’un compromis social qui parvient à construire des contrats privés et à établir des normes publiques.


Pour Gérard Duménil et Dominique Lévy, le rôle de la connaissance qui a connu une forte socialisation remet en cause les monopoles de pouvoir des élites anciennes du capitalisme, en particulier dans l’entreprise où émerge le « cadrisme » dont le commandement repose plus sur l’application de la science, le « General Intellect ». Le socialisme passe donc par l’alliance du « peuple » avec ce cadrisme…

 

III. Ce qu’est le capitalisme cognitif

 

A. Un système cohérent et un processus dynamique

 

B. Un troisième capitalisme pour l’économie-monde globalisée

 

La mondialisation ne dilate pas l’espace, un même espace, comme lors des grandes découvertes, elle « déterritorialise » et « re-territorialise » des espaces et désarticule instantanément les homogénéités, les cohésions, aussi bien au centre qu’à la périphérie.

 

3 configurations principales du capitalisme :

  • Le capitalisme mercantiliste : accumulation de type marchand et financier et qui se développe entre le début du XVIème et la fin du XVIIème ;

  • Le capitalisme industriel : accumulation du capital physique et rôle moteur de la grande usine manchestérienne dans la production de masse de biens standardisés ;

  • Le capitalisme cognitif : accumulation du capital immatériel, diffusion du savoir et rôle moteur de l’économie de la connaissance => univers de concurrence exacerbé du capitalisme postfordiste et industriel.

 

C. Les 15 marqueurs du capitalisme cognitif

 

  1. La virtualisation de l’économie, c-à-d le rôle de l’immatériel et des services liés à la production de cet immatériel ;

  2. Le poids de l’immatériel s’appuie sur les NTIC, donc sur la numérisation des données ;

  3. Parmi ces immatériels, rôle décisif dans la croissance économique du processus de captation, aussi bien par l’entreprise que par le marché et la puissance publique, de l’innovation présente dans les processus cognitifs interactifs de coopération sociale et des savoirs tacites ;

  4. Il en découle que le progrès technique n’est plus une ressources exogène que l’entreprise peut se procurer sur un marché spot (instantané) des produits et des services => système sociotechnique caractérisé par les NTIC : l’appropriation des connaissances et l’usage des techniques sont les variables déterminantes du progrès technique et de l’innovation ;

  5. Dans un contexte de forte incertitude de la demande, la différenciation s’opère par la qualité et l’innovation. Or celles-ci sont freinées par la division excessive du travail ;

  6. Recours croissant aux économies d’apprentissage qui permettent de faire la différence sur les marchés et dans une concurrence intercapitaliste aiguisée ;

  7. La séquence classique conception/production/commercialisation est inversée, c’est l’innovation profonde de la « production flexible » et du « juste à temps » => les dispositifs du numérique permettent à l’usager de dispositifs techniques numériques de devenir co-producteur de l’innovation ;

  8. Dissolution des lignes de partage traditionnelles entre capital et travail, et entre travail qualifié et travail non qualifié, du fait de la pluralité irréductible des inputs (ressources contribuant à la production : hardware = couche matérielle, software = couche logique ou logiciel, wetware = couche cérébrale ou du vivant) ;

  9. Société de réseau rendue possible par l’informatique : combinaison en un ensemble cohérent de la numérisation, de la programmation informatique, de l’électronique par la diffusion de l’ordinateur personnel à partir de 1986, et enfin par l’Internet qui devient le nouveau bien commun planétaire de l’intelligence collective ;

  10. Montée de la « coopération entre les cerveaux » qui implique un déclin du paradigme énergétique et entropique de la force de travail, comme de la transformation des marchandises matérielles dans la production de richesses (« fin du travail » de R Reich et J Rifkin = non avènement d’une société des loisirs mais changement de paradigme du travail) ;

  11. Caractère central du travail vivant non consommé et non réduit à du travail mort dans le machinisme => aspect bioproductif de la force-invention qui se superpose à la force de travail ;

  12. Déclin des concepts de performance individuelle au sein de l’entreprise, déclassement de la performance factorielle, évaluation de la performance globale qui s’étend aux territoires productifs ;

  13. Forte spécificité des biens-information ou des biens-connaissance quant à leur apprentissage, à leur usage, à leur amortissement, à leur enrichissement, et aux conditions de leur appropriation exclusive => révolution des NTIC : crise de mise en œuvre (enforcement) des droits de propriété classique, comme ceux de la propriété intellectuelle, des brevets et des droits d’auteur ;

  14. Révélation et traitement du travail hors temps de travail, de la connaissance implicite, de la capacité de contextualisation ;

  15. Capitalisme = bioproduction : production de connaissances au moyen de connaissances, et du vivant au moyen du vivant, à partir de l’activité collective cérébrale mobilisée en réseaux numériques interconnectés => société de la connaissance : le capitalisme cognitif produit la connaissance et le vivant à travers la production de la population, c’est la bioproduction. Et le pouvoir qui a pour fonction le contrôle de cette bioproduction, c’est le biopouvoir.

 

D. Une définition du capitalisme cognitif

 

3 caractéristiques de ce 3èmecapitalisme :

  • Un type d’accumulation : accumulation de connaissance et de créativité, c-à-d de formes d’investissement immatériel => NTIC (numérique, ordinateur, Internet) ;

  • Un mode de production : travail de coopération des cerveaux réunis en réseau au moyen d’ordinateurs => place importante de la recherche, du progrès technique, de l’éducation (qualité de la population), de la circulation de l’information, des systèmes de communication, de l’innovation, de l’apprentissage organisationnel et du management stratégique des organisations ; orientation de la consommation vers la technique, notamment les techniques de l’esprit (audiovisuel, ordinateurs, Internet, consoles de jeu) ;

  • Un type d’exploitation spécifique du travail vivant : faire apparaître les externalités positives dans une globalisation qui sert aussi à solder les externalités négatives dans un souci d’éliminer les sources de déséquilibre durable sur la croissance de la production de connaissance ; et capter les externalités positives et les valider dans la création d’un profit privé.

 

E. La Grande transformation : comment prendre le problème ?

 

F. Division du travail : ni le marché ni la hiérarchie, le réseau numérique

 

Réseau = forme de division cognitive du travail. Quels sont les avantages de la production qui s’appuie sur les réseaux numériques articulés par l’Internet ?

  • Produire dans un contexte incertain une solution non programmée au départ ;

  • Loi des rendements décroissants évidente pour une série de phénomènes essentiellement physiques et entropiques ; alors que le monde de l’information et des biens-connaissance n’est plus caractérisé par la rareté ;

  • Couche physique et logique du réseau des réseaux pensée délibérément comme une plate-forme simple et « stupide » ; l’intelligence, le complexe, ont été confiés aux membres du réseau à la périphérie de l’appareillage technique => le système privilégie l’inter-opérabilité : simplifier l’organisation technique, compliquer les connaissances et les contenus qui transitent par lui : le réseau numérique entre les ordinateurs permet d’exploiter les capacités du travail complexe, c-à-d d’abstraire le travail qualifié.

 

La division cognitive du travail s’oppose à la division du travail du capitalisme industriel :

  • La spécialisation de l’activité (réduction du travail complexe au travail simple et division de l’exécution manuelle d’avec la conception intellectuelle) n’est plus le facteur dominant de l’augmentation de la productivité ;

  • La taille du marché perd sa pertinence dans un univers de production de petite série et une « économie de variété » soumise à une forte incertitude de la demande, les gains de productivité de résultent plus d’économies d’échelle mais d’économies d’apprentissage ;

  • Pour les rendements, une économie reposant sur la connaissance se caractérise par la coordination décentralisée dans la prestation de services fondés sur le traitement et l’acheminement de l’information.

 

Cas spécifique du logiciel libre :

  • Une coopération en temps réel qui partage les connaissances sans aucune des restrictions juridiques qui existent pour les biens couverts définis comme propriétés intellectuelles et qui limite leur usage, leur reproduction et leur circulation ;

  • Un caractère horizontal et non plus hiérarchique ou marchand.

 

G. La production de connaissance au moyen de connaissance : une nouvelle frontière, l’attention et le temps, Careet valeur

 

Les 3 ressources rares désormais sont l’attention cognitive, le temps et le care(l’attention affective).
2 constats face à l’exigence de connectivité, réactivité, autonomie et inventivité :

  • Le système productif boulimique en matière d’attention génère le bannissement de l’attention dans la sphère de la consommation, et en particulier celle de l’image ;

  • Il faut par ailleurs évaluer non des produits, ou des procédés, mais des processus.

 

H. Les attracteurs du travail-invention : l’art, l’Université et la libido sciendi

 

Apparaissent en plus de l’intérêt matériel et du goût du pouvoir le désir de connaissance et l’amusement cognitif en eux-mêmes. La créativité devient une valeur collective et individuelle. Le paradigme du travail cherche désormais ses modèles du côté de l’art et de l’Université.

2 types d’incitations directes et indirectes :

  • La libido sentiendi : désir de jouir du maximum de biens matériels en tant que consommateur, homo oeconomicus maximisant son utilité ;

  • La libido dominandi : désir de dominer autrui, d’exercer un pouvoir sur autrui.

Désormais, il faut y ajouter la libido sciendi, bien plus innovante, donc efficace et créatrice de richesse dans une économie de la connaissance.


Pour Carlo Vercellone, le capitalisme cognitif a pris les diverses formes de refus du travail (absentéisme, sabotage, grèves sauvages), et il a surtout nourri une pression continue pour la démocratisation de l’accès aux universités et aux instituts de technologie.


I. Les enjeux du modèle productif du logiciel libre

 

Partie immatérielle de l’ordinateur qui intervient dans les machines du vieux système industriel, les logiciels sont un bien-connaissance emblématique et stratégique de l’économie de l’immatériel et du nouveau capitalisme reposant sur l’innovation et la production de valeur.


J. Le logiciel libre : un véritable modèle productif

 

La communauté du libre n’aime ni la hiérarchie ni le marché, ses valeurs sont la décentralisation, la liberté, le partage, la dénonciation du monopole de Microsoft et du protectionnisme intellectuel. Certains sont libertaires, d’autres cybercommunistes, d’autres encore libertariens (Eric Raymond).

L’éthique « hacker » bouleverse nos représentations du travail, pour Himanen il remet au centre le modèle de l’Académie platonicienne qui redevient le moyen de produire l’innovation et la connaissance entre pairs en se substituant aux deux grandes composantes sur lesquelles s’était construit le paradigme du travail en régime capitaliste :

  • Le monastère catholique de la réforme du clergé régulier au XIème et XIIème qui a fourni le modèle de la division collective du travail et sa base : l’obéissance volontaire et la subordination de l’activité de l’individu ;

  • L’éthique protestante du capitalisme qui a fourni le modèle de l’individu et de légitimité du profit, de l’accumulation de l’argent comme capital. Lazzarato montre la réintégration au centre du nouveau paradigme du travail du capitalisme cognitif des valeurs de la créativité, de l’autonomie et de la répétition créatrice.

Plus la société devient marchande moins elle parvient à remplir un rôle d’embededness (Polanyi), c’est alors la communauté qui sert de rempart contre le tout-marchand en devenant le lieu propice à la création des biens communs.

  • Gratuité, passion hédoniste de l’activité libre et du jeu cognitif et non du travail subordonné, liberté et reconnaissance des pairs : réintégration de l’altruisme utilitariste (recherche du bonheur ou de l’utilité du plus grand nombre).

 

IV. Nouveau capitalisme, nouvelles contradictions

 

Deux traits qui font l’instabilité du système du capitalisme cognitif :

  • L’omniprésence de l’exploitation ;

  • Le caractère hautement antagoniste du nouveau type de rapport social et de rapport de production qu’il instaure.


A. L’exploitation de niveau 2

 

La mobilisation de la force de travail incorpore également des fonctions cognitives supérieures (mémorielles et socialisatrices), donc impossibilité de la substitution totale du travail humain par des machines.


Certes le travail est cognitif depuis l’avènement de l’homo sapiens. Mais de la théorie du capital humain à celle du capital intellectuel, il y a la prise de conscience progressive par le 3
èmecapitalisme de l’importance primordiale d’un travail qui est plus que de simples heures de dépense de force musculaire, puis de la nécessité absolue d’accumuler du « capital intellectuel » parallèlement à l’accumulation « tangible ».

 

Valeur ajoutée directe : distinguer les effets de consommation incorporées dans le flux de richesses et détruites comme moyen de production survivant à un cycle donné, et les consommations non incorporées qui deviennent le capital vivant de l’entreprise.

 

Dans le capitalisme cognitif, pour exploiter l’intelligence collective, il ne faut pas seulement mettre ensemble les « travailleurs », il faut éviter cette parfaite objectivation (réification ou aliénation) de la force-invention dans le processus de travail ou dans le produit.

Avant d’être un régime stabilité, un mode d’accumulation, le capitalisme est la tendanceà la transformation du mode d’exploitation.

Le travailleurs salarié libre dont l’activité repose surtout sur l’exploitation de sa force-invention est le « cognitariat ».

 

B. La bataille des nouvelles clôtures ou la révolution rampante des droits de propriété

 

Droits de propriété = ensemble des normes et conventions sociales qui permettent la transformation de ce qui vaut pour une société, un groupe, un individu, en bien économique susceptible d’une évaluation monétaire (prix) ou non monétaire (don) ou d’un échange marchand (bien privé) ou non marchand (bien public).

 

Transformation du droit de propriété par l’unification de ses trois aspects :

  • L’usage ;

  • Le fruit ;

  • L’aliénabilité totale.

 

C. Le problème majeur de la production des biens-connaissance : les NTIC en sont la condition mais en minent l’ancien mode de valorisation marchande

 

Insuffisance du double paradigme du marché et de la hiérarchie pour penser la coordination des agents dans des systèmes complexes et vivants, c-à-d possédant la possibilité de se reproduire, de s’auto-organiser et de coopérer pour connaître leur milieu.

 

La tentative de clôture de l’intelligence collective par une partie des industriels est sans avenir car :

  • L’objet de l’accumulation du capitalisme de régime cognitif : la coopération entre les cerveaux travaillant sur ordinateurs personnels reliés au réseau des réseaux a besoin de la liberté pour produire l’innovation

  • Le numérique et son appropriation par le plus grand nombre possible est une condition indispensable pour récupérer le travail de l’intelligence collective (travail de pollinisation non directement marchand) : la récolte de miel faiblit sans la richesse des multitudes qui « pollinisent » la société avec les ailes du numérique ;

  • L’incomaptibilité d’un « retour » à l’exécution des droits de propriété intellectuelle du vieux capitalisme industriel avec les libertés publiques des citoyens et avec la démocratie tout court.

 

Une société de connaissance reposant sur les NTIC constitue la base sans laquelle le capitalisme cognitif n’est rien, l’informatique décentralisée a constitué une arme très efficace contre le socialisme réel soviétique, l’internet menace le capitalisme hyper-industriel et monopolistique des grandes industries de l’image et de la musique.

Sous peine de perdre son caractère productif, la coopération par Internet ne peut pas s’accommoder des limitations d’accès : la gratuité ou quasi-gratuité fait partie du modèle.

Car l’ensemble du système de propriété intellectuelle est remis en cause (brevets industriels, droits d’auteurs, marques) :

  • Bataille juridique entre les pays du Sud (Inde, Brésil) et les grandes multinationales sur les médicaments génériques contre le Sida à destination de l’Afrique du Sud ;

  • Napster puis Kaaza donnent l’opportunité aux consommateurs sans pouvoir d’achat de tirer parti des NTIC pour contourner l’exclusion marchande ;

  • La bataille des logiciels libres (Linux) contre le modèle marchand Microsoft : modèle productif et coopératif qui n’obéit plus à la division smithienne du travail.

 

D. La crise constitutionnelle du salariat : de la fuite à l’affaiblissement

 

Le mouvement de fuite, caractérisé par l’éloge de la paresse de Lafargue à la fin du XIXème ou le refus du travail chez les ouvriers non qualifiés ou le repli sur les communautés utopistes, est devenu le nerf de la production innovante dans le capitalisme cognitif.

Désormais, le travail n’est plus rémunéré comme facteur de production isolé du capital, mais il co-détermine la rémunération des quatre composantes : hardware, software, wetwareet netware.

 

V. Du côté des classes sociales : la composition du capitalisme cognitif

 

A. Classes sociales, à la recherche de la simplicité perdue !

 

Si c’est le capital intellectuel qui devient discriminant dans la distribution de la division cognitive du travail et donc de la division sociale, les groupes d’appartenance aux institutions d’éducation et de formation sont beaucoup plus importants que l’origine sociale. Les classes sociales ne préexistent pas à un rapport de production et aux conflits, elles se dessinent au contraire a posteriori.

Par ailleurs, les parcours de mobilité (géographique ou sociale entendue comme capacité de voyager et coopérer avec des personnes de milieu ou de classe sociale différents, c-à-d la connectivité) sont plus importants que les ports d’escale ou les ports d’attache.

 

B. Ce que révèle la nouvelle pauvreté : précarité et inégalité

 

Résurgence des working poors : pas une augmentation sensible de l’effectif des pauvres, mais une vulnérabilité à la pauvreté.

Pauvreté et l’exclusion = états ressentis subjectivement par les individus.

Concurrence universitaire et compétition artistique annexées comme moyen de fonctionnement ordinaire du capitalisme cognitif.

 

C. Tous des intermittents ! L’autre face du capital intellectuel

 

Caractéristique du marché du travail cognitif : sa précarité. Car plus c’est le capital intellectuel qui est exploité par le capitalisme cognitif, donc le cerveau travaillant avec d’autres cerveaux, plus la rétribution à la tâche ou à l’ouvrage est artificielle.

Il ne s’agit plus de travailler, mais de travailler de façon créative et innovante, c-à-d de bien travailler.

 

D. Cognitariat versus prolétariat : nouvelles lignes de clivage

 

Solitude du cognitariat qui contraste avec sa centralité productive.

 

VI. Bouclage macroéconomique : pour aller plus loin que la critique du néolibéralisme et de la financiarisation

 

A. Des transformations productives à la financiarisation, et non l’inverse

 

Des transformations ont affecté le régime fordiste avant la financiarisation : patrimonialisation de l’économie (entre 10 et 35% de la population salariée est propriétaire d’actifs mobiliers + rôle croissant des fonds de pension) s’est traduite par une globalisation du calcul de rentabilité du capital et par la mise en œuvre d’une liquidité permanente de ce que l’entreprise ou les collectivités publiques considéraient comme des intangibles ou des actifs mobilisables à très long terme.

 

B. Financiarisation et capitalisme cognitif


Ces transformations financières, en modifiant les modalités et le type d’accumulation, cherchent à contrôler le territoire productif de l’innovation, qui déborde systématiquement les limites de l’entreprise à l’extérieur. Il en résulte simultanément une crise de périmètre de la firme et un réexamen de l’action publique.

 

C. La question de l’immatériel et de sa prise en compte dans l’entreprise

 

D. Les transformations du marché du travail : le travail para-subordonné

 

La norme marchande se réinsère directement dans le travail para-subordonné (Alain Supiot), qui désalarise formellement l’employé : le lien de subordination avec l’employeur est gommé, la subordination est maintenue en réalité par un contrat de fourniture de prestation qui relève du marché commercial et non plus du marché du travail encadré par le code du travail.

  • A la fois réintroduction d’une comptabilité globalisée, forfaitisée, et en même temps une discipline du salarié qui doit respecter les enveloppes prévues.

 

E. La finance comme gouvernance des externalités

 

La finance permet d’identifier les externalités, donc d’en dresser la carte, pour soit les rendre endogènes, soit les maintenir telles quelles, c-à-d absorber des pans considérables de travail gratuit : nouvelle forme de captation de l’innovation, qui n’a pas à supporter les coûts de reproduction des conditions de son émergence.

 

F. L’instabilité intrinsèque du capitalisme cognitif

 

Le rôle central des biens-information et des biens-connaissance entraîne un facteur d’incertitude intrinsèque qui n’existait pas dans le fordisme. La nature de ces biens (indivisibilité, non-rivalité, non-excluabilité) les rend semblables aux biens publics.

 

La financiarisation, s’agissant de biens-connaissance, paraît d’abord lever les obstacles que ceux-ci présentent à leur transformation en biens rivaux, divisibles et excluables. Mais elle réclame à l’ère du numérique la création de clôtures par de nouveaux droits de propriété et de droit de gestion numérique, qui ont un effet dépressif sur l’intensité et la qualité de l’innovation.

  • Stratégies alternatives : recréer de nouveaux espaces publics et créer les conditions d’un accès public et gratuit à des biens communs numériques, à partir d’un financement par subvention.

 

VII. Envoi : manifeste pour la société pollen

 

A. Biopolitique versus biopouvoir

 

Pouvoir humain exercé sur la biosphère et les écosystèmes = cataclysmique, incontrôlé et aveugle. Construire des limites à ce biopouvoir est le fondement de la biopolitique et la forme la plus urgente de politique.

  • Solution : dvpt de la biopolitique, c-à-d la façon dont les sujets politiques s’emparent de ces questions vitales et construisent eux-mêmes les instruments de contrôle des diverses sortes de biopouvoir qui prolifèrent très vite.

 

B. La production de connaissance, un centre partout

 

Richesse en réseau produite par la formation, l’éducation, l’apprentissage, la vie tout court en société. Le marché, l’entreprise, l’Etat et l’action publique ne sont que des convertisseurs. Les Universités et leurs dépendances – laboratoires de recherche, spin-off, pépinières, organisations à but non lucratifs (ONG, fondations) sont des chaînons de même intensité et importance que la grande entreprise ou la PME. Le réseau numérique – WEB 1 ou WEB 2 – est la dernière institution fondamentale.

  • Quitter la pensée du capitalisme industriel et de son annexe le socialisme pour passer à la société de biens communs, ainsi qu’à l’écologie des ressources matérielles et à la nouvelle croissance de l’économie de la noosphère.

 

C. New Deal pour le capitalisme cognitif : pourquoi un nouveau compromis salarial sera inévitable

 

Nouveau compromis pour relancer la convention emploi : offrir un revenu garanti au travail cognitif et pollinisateur. Car la fracture se situe entre les actifs sans emploi ni revenu et les insidersdes entreprises.

  • Restructuration du welfare State : revenu garanti individuel, inconditionnel, cumulable et d’un niveau suffisamment élevé pour vivre.

 

D. Trois différends sur le revenu social garanti

 

E. Une déduction de la mutation du salariat dans le capitalisme cognitif

 

Ce capitalisme, à l’âge du General Intellect (où le dvpt de la science devient la principale force productive) ne peut plus se contenter (l’exploitation classique analysée par Marx) de consommer intégralement l’énergie mentale et physique du travailleur, et d’épuiser son activité vivante dans le cycle productif. Il doit maintenir le travail vivant comme vivant tout au long du cycle s’il veut capturer, donc détourner à son profit, une partie de la force-invention.

 

L’exploitation est devenue essentiellement non celle de la consommation de la force de travail, mais de sa disponibilité, de son attention et de son aptitude à former de nouveaux réseaux et à coopérer avec l’aide des ordinateurs reliés entre eux ; non celle de la faculté du travail vivant à se transformer en travail mort, en produit, mais de fournir des réponses à des questions non programmées.

 

Dans une société de l’information ou dans une économie reposant sur le savoir, le potentiel de valeur économique que recèle l’activité est une affaire d’attention, d’intensité, de création, d’innovation. Or ces éléments se produisent largement en dehors du cadre de l’horaire de travail classique mesuré par le CDI. On en revient à l’évaluation à la tâche, au projet. Car les projets, tout en étant rémunérés au produit (et non au temps), incorporent un temps gratuit considérable.

 

F. La rétribution de l’activité humaine dans la société pollen

 

Dans une société où la production s’opère avec du vivant et pour faire du vivant (bioproduction et biopolitique) et des connaissances vivantes au moyen d’activité de connaissance vivante, la mesure du temps de travail est en crise.

 

Conclusion : dans le capitalisme cognitif, il y a bcp de travail (classique) et d’activité informelle non reconnus, mis en forme comme un travail dépendant prescrit. Il y a du travail et de l’activité partout, en particulier parce que le chômeur produit directement de la richesse.

La seule façon de transformer l’activité dans une société pollen, c’est d’introduire la contrainte macro-institutionnelle du revenu garanti, l’équivalent du prix de la ruche et de l’entretien de la population d’abeilles.

 

Par Timothée Duverger - Publié dans : Fiches de lecture
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  • : Timothée Duverger
  • Timothée Duverger
  • : Bienvenue! Je suis doctorant contractuel en histoire contemporaine au CEMMC (Bordeaux 3) et essayiste auteur de "La décroissance, une idée pour demain" (Sang de la Terre, 2011), "Le Parti socialiste et l'écologie" (Fondation Jean Jaurès, 2011) et "La modernité relationnelle" (èRe, 2013), je suis secrétaire de section PS et Conseiller Général suppléant de Villenave d'Ornon (33).
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